Apicultrice et vétérinaire apicole de métier, gessienne d’adoption, Rosa-Maria Lincon-Luna développe un procédé de lutte contre le varroa et autres parasites des abeilles sans produits chimiques. Elle a été primée lors des trophées de l’innovation de la chambre des métiers et d’artisanat de l’Ain. Explications.
Rosa-Maria Licon-Luna, apicultrice à Gex, a reçu il y a quelques semaines à Bourg-en-Bresse le prix « Coup de cœur » lors des trophées de l’innovation du département organisés par la chambre des métiers et de l’artisanat. Une reconnaissance que la lauréate goûte avec joie et beaucoup de modestie. En attendant de parachever son innovation.
Piquée d’apiculture
Apicultrice et vétérinaire apicole, Rosa Maria Licon Luna a fait tout son cursus académique dans son pays natal : le Mexique. Puis, elle a été happée un temps par l’écologie et la recherche médicale. Avant de renouer avec ses premières amours : l’apiculture ! De l’Allemagne à la France en passant par l’Australie et la Suisse, elle a toujours gardé cette passion chevillée au corps.
Une thèse de doctorat en recherche médicale (immunologie et virologie) passée en Australie, elle décide de s’installer en Allemagne. Où elle partira après quelques années de recherches en laboratoire, pour une opportunité professionnelle dans l’industrie pharmaceutique en Suisse. C’est de ce côté de la frontière, dans l’Ain, à Gex, qu’elle décide de s’établir, voilà bientôt 7 ans.
Petit hic. Ses diplômes obtenus au Mexique ne lui donnent pas droit d’exercer comme vétérinaire dans la confédération Suisse. Mais qu’importe ! « Il y a eu une formation de spécialisation sur l’abeille comme vétérinaire. Alors, je me suis inscrite et j’ai approfondi tout ce qui est autour de l’abeille : toxicologie, maladie, nourriture », souligne-t-elle. Et de poursuivre : « je me suis aussi mise à enseigner dans les écoles primaires enmême temps que je travaillais l’apiculture en sensibilisant par exemple les enfants à la problématique des abeilles de façon ludique ».
Rosa-Maria-Licon-Luna fait un constat : l’abeille européenne n’a pas encore évolué et ne sait pas encore se défendre face au Varroa, débarqué en Europe probablement à la faveur des échanges commerciaux. Que faire ? « On a encore ajouté beaucoup d’acaricide qui ont un effet négatif. Les insecticides vont éliminer le Varroa mais aussi impacter les abeilles », regrette-t-elle. Forte de toutes ces connaissances, l’apicultrice réfléchie à une méthode de traitement sans aucun produit chimique.
« Je me suis demandée comment se défendent les abeilles qui ont évolué avec ce parasite en Asie. Elles chauffent leur nid quand il y a les acariens. Et ces derniers ont une sensibilité plus élevée à la chaleur que les abeilles. C’est ainsi qu’elles se débarrassent de beaucoup de parasites. Je me suis dis « pourquoi pas traiter les ruches avec la chaleur comme ça on n’injecte pas les molécules de synthèse et on n’utilise pas les produits chimiques ? »
L’ozone pour « nettoyer » la ruche
Un procédé déjà testé et effectif dans plusieurs pays. « Le côté innovant de mon idée, c’est qu’en plus d’un générateur de chaleur, on a ajouté un générateur d’ozone. L’ozone c’est trois atomes d’oxygène qui oxyde tout ce qui est pathogène, microorganisme. Cela désinfecte bactéries et moisissures. Et aussi, ça réduit la pollution chimique dans la ruche », ajoute l’apicultrice.
La fonction anti-parasitaire du prototype a donné des résultats assez favorables dans ses propres ruches. Cette année, d’autres tests seront menés pour établir un vrai protocole. « On va déterminer quels sont les paramètres idéals de traitement pour mieux connaître le niveau d’efficacité », souligne l’apicultrice.
Un travail qui se fait depuis le départ avec le soutien d’un ingénieur. Pour rappel, le Varroa sévit partout en Europe occidentale jusqu’à Russie. En France, seule l’île de Ouessant est encore épargnée. Avant de rendre publique son innovation, Rosa-Maria Licon-Luna a bien pris le soin de la breveter aux USA.
Alimoka Iboussi
Les avantages du couplage chaleur/ozone pour les ruches
L’innovation mise au point par Rosa- Maria Licon-Luna concerne un dispositif thermique et à l’ozone pour son utilisation dans le domaine de l’apiculture. Trois solutions sont proposées pour réduire la totalité de problèmes sanitaires de la ruche
– 1 déparasitage (à la chaleur)
– 2 désinfection (à l’ozone)
– 3 décontamination (à l’ozone).
– Ces techniques peuvent servir d’alternatives à l’utilisation de produits chimiques. L’application de chaleur est aussi utile pour la fonte de cires, fonte de miel cristallisé en rayon (pour faciliter son extraction) ou en pot, séchage de pollen et élevage des reines
– L’action thermique peut être également utilisée pour la fusion des cires, quand elle est réglée à une température de 65°C.
– La cristallisation du miel dans les rayons de cire, rende pratiquement impossible sont extraction. En outre, le miel cristallisé n’est pas facilement pris par les abeilles comme nourrissement. Le traitement thermique est la solution, puisque le miel décristallise à 40-45°C, sans affecter ses propriétés organoleptiques et sans endommager la structure de cire qui le contient. Une fois décristallisé, le miel peut alors être extrait du cadre ou ajouté à la ruche pour alimenter les colonies d’abeilles. Le miel qui a été cristallisé dans des bocaux peut également suivre l’action thermique pour sa liquéfaction.
Eliminer le varroa et les autres parasites
Une enceinte thermique et à l’ozone est capable de traiter une ou plusieurs ruches. Elle met en œuvre un procédé capable de détruire le Varroa (le problème majeur de l’apiculture) et le petit coléoptère de la ruche (actuellement en Italie qui risque d’arriver en France) et autres parasites opportunistes comme la fausse teigne. Les agents infectieux comme la loque américaine, entre autres, sont éliminés ou réduits drastiquement des ruches et cires (désinfection à l’ozone) sans intervention chimique ni destruction de la ruche par le feu. Les résidus de contaminants chimiques accumulés dans les ruches et cires sont oxidés par action de l’ozone.
Comment ça marche ?
L’abeille survit jusqu’à une température de 48°C ; – Le Varroa survit jusqu’à une température de 40°C. – Le principe technique s’articule sur la mise en température de la ruche et de ses habitants à une température entre 42-45°C pendant 2-3 heures. – Aucune implication sur la pollution du site naturel, des miels, des cires, des matériels ni impact visible sur la colonie.Ce dispositif permet à la fois l’élimination du Varroa et d’autres pathogènes (loque américaine et autres) et la décontamination de résidus chimiques.
A. Traitement thermique des abeilles.
B. L’ensemble de la ruche vidée des abeilles est exposé pendant 48 heures à l’ozone (O3) pour la désinfection et décontamination de ses composants.
Bien que la chaleur monte, il reste important de mettre le dispositif au-dessus de la ruche pour une fumigation efficace de la cire, vu l’inclination vers le haut des alvéoles de cire
L’idée de ce dispositif qui combine chaleur et ozone a été évaluée et acceptée par la communauté scientifique internationale pour sa publication (à paraître dans la revue Bee World).